William Hume Blake (1809-1870) est le premier Blake à fréquenter Charlevoix. Né dans une famille influente d’Irlande, il s’établit à Toronto, où il occupe des fonctions importantes comme avocat, homme politique et juge. Il découvre Charlevoix alors qu’il siège à Québec à titre de solliciteur du Haut-Canada, au cours des années 1850. Il loge notamment à la Chamard’s Lorne House, à Pointe-au-Pic.
Après sa mort, ses deux fils bâtissent leur propre résidence d’été à Pointe-au-Pic. Edward, avocat et homme politique libéral, fait ériger la Maison rouge en 1874. À la même époque, Samuel fait construire Mille Roches, que l’on peut admirer sur cette photographie. Les familles d’Edward et de Samuel sont des habituées du trajet Toronto–La Malbaie, effectué en bateau à vapeur.
© Musée de Charlevoix, fonds Mackenzie.
Les Blake ont joué un rôle de premier dans la seconde moitié du 19e siècle, que ce soit dans le domaine du droit ou sur la scène politique canadienne. Ils représentent la tradition libérale, bien vivante dans la communauté des estivants du secteur de La Malbaie. Edward Blake, par exemple, a été premier ministre de l’Ontario (1871) et chef du Parti libéral fédéral (1880-1882).
Le fils de Samuel, né en 1861, porte le nom de son grand-père, William Hume Blake. Comme ses aïeux, il étudie le droit et pratique le métier d’avocat à Toronto; comme eux, il a Charlevoix tatoué sur le cœur. Toutefois, il n’éprouve pas le même intérêt pour les débats politiques : il préfère utiliser sa ruse pour défier les truites!
Les écrits de William Hume Blake (In a Fishing Country, Brown Waters) font l’éloge de Charlevoix, de son arrière-pays, de ses habitants et, surtout, de ses lacs, rivières et poissons. Blake est aussi le premier traducteur du célèbre roman Maria Chapdelaine, de Louis Hémon.
La photographie ci-dessus présente William Hume Blake dans ses habits de pêche, avec sa fameuse pipe, outil indispensable pour chasser les moustiques!
© Musée de Charlevoix, fonds Mackenzie.
Durant la jeunesse de William Hume Blake (années 1860 et 1870), les estivants qui fréquentent Charlevoix sont surtout des anglophones bien en vue du Québec et de l’Ontario. Ils cherchent le repos, les vacances en famille dans un décor enchanteur, apaisant.
Les Américains commencent à arriver en nombre important à partir de 1882, à la suite de la recommandation d’un médecin new-yorkais. Dans In a Fishing Country, William dénonce le changement de mentalité des estivants, qui essaient dorénavant de conserver le train de vie urbain à la campagne.
L’arrivée des « accros » du golf et du tennis dans les années 1890 ne rassure certainement pas notre grand pêcheur! Il comprend toutefois que ces sports offrent de nouveaux loisirs aux femmes, souvent seules en villégiature…
© Musée de Charlevoix, fonds Elizabeth Bacque.
Les expéditions sont l’occasion de prendre congé du travail et de l’actualité, mais aussi, il faut le dire, des amis « respectables » qui n’osent pas se salir les mains. Les moustiques, l’inconfort de la tente, le défi sportif ne sont pas à la portée de tous!
William Hume Blake a très bien décrit l’atmosphère qui règne lors des expéditions. Les guides n’habitent pas toujours une tente ou un camp aussi confortable que celui du sportman qui les engage. Toutefois, on reconnaît leur rôle indispensable. En forêt, ils participent activement à la planification des journées et, une fois leur besogne faite, ils pêchent comme leurs patrons, partageant en silence la même passion pour ce sport et le même amour de la vie en nature.
À la fin du 19e siècle, les femmes accompagnent parfois leurs époux dans les expéditions. Elles ne sont pas que spectatrices : les photographies anciennes les montrent souvent en action, que ce soit à la chasse ou à la pêche.
© Musée de Charlevoix, fonds Mackenzie.
William Hume Blake a ouvert la voie aux sportsmen qui arpenteront le territoire au nord de Charlevoix. Cofondateur du club de chasse et pêche La Roche en 1890, il s’est intéressé de très près à la création du parc des Laurentides en 1895, dont le territoire couvre l’actuelle réserve faunique des Laurentides, de même que les parcs nationaux de la Jacques-Cartier et des Grands-Jardins.
Dans ses écrits, il dénonce à la fois l’impact du braconnage et de l’industrie forestière sur la faune, mais surtout, il vante cet arrière-pays dans des récits où la nature, les pêcheurs, les aides de camp et les garde-forestiers sont les principaux personnages.
Cette photographie montre l'auberge de La Galette, à Saint-Urbain, et les moyens de transport utilisés pour circuler sur les routes difficiles qui y menaient.
© Musée de Charlevoix, fonds Mackenzie.
William Hume Blake parle très bien français. Au fil des ans, il a noué d’étroites relations avec plusieurs résidents de Charlevoix, qu’ils soient guides ou simples agriculteurs. Il a fréquemment rendu hommage à leurs capacités physiques, à leur connaissance du pays et à leur savoir-faire, que ce soit dans la confection et la réparation des canots ou la construction de ponts improvisés, par exemple.
© Musée de Charlevoix, fonds Deux cent ans de villégiature dans Charlevoix.
Au cours des expéditions de pêche, chaque pêcheur peut attraper quelques douzaines de truites par jour. Pas question de les perdre. Les guides ont appris à Blake à les faire sécher au-dessus du feu. Selon le temps d’exposition à la boucane (fumée), les truites pourront être conservées quelques semaines ou quelques mois, si elles sont entreposées dans de bonnes conditions.
© Musée de Charlevoix, fonds Mackenzie.
À partir de 1915, le dynamitage des rochers qui longent le fleuve, préalable à la construction d’un chemin de fer, défigure les lieux fréquentés par les villégiateurs. William Hume Blake, comme de nombreux autres villégiateurs, se demande si la région de Charlevoix saura garder son charme malgré l’arrivée inéluctable de la modernité.
Cette photographie, prise en 1906, met en scène William et sa femme près du cap Blanc, à Pointe-au-Pic (La Malbaie). Leur fille Helen épousera Philip Mackenzie. Leurs descendants sont toujours de fidèles habitués de Charlevoix.
William Hume Blake meurt en 1924. Ses funérailles ont lieu à l’église protestante de La Malbaie. Parmi les porteurs du cercueil, on compte d’anciens guides avec qui il avait partagé de nombreuses aventures.
© Musée de Charlevoix, collection Roland Gagné.