Jeremiah John Bigsby a publié ses récits de voyage dans The Shoe and Canoe, or Pictures of Travel in the Canadas, publiés à Londres en 1850. La capsule audio que vous écoutez s’inspire de ces récits.
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Vers 1820, à quoi pouvait ressembler un voyage dans les villages en bas de Québec? Écoutez-moi bien…
Je suis arrivé dans la colonie parce que je venais de m’engager dans l’armée britannique. La guerre de 1812 était déjà derrière nous. Comme nous étions en temps de paix, mes supérieurs m’avaient envoyé explorer l’arrière-pays, question de savoir s’il y avait des gisements de minerai à exploiter… Je suis devenu géologue!
En 1819, j’ai fait un premier voyage dans l’est. Une partie du trajet Québec - Baie-Saint-Paul pouvait se faire en calèche, mais dans certains endroits il fallait marcher dans des sentiers, ma foi, assez difficiles! Après avoir exploré Baie-Saint-Paul, nous avons traversé sur la rive sud en bateau à voile.
Nous avons échoué en soirée à la hauteur de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Une fois la marée basse, nous avons pu marcher jusqu’à une maison de campagne, où nous avons passé la nuit. Pour souper, on nous a offert du pain de seigle avec des tranches de lard, puis une sorte de café de grains grillés. Nous avons dormi tout habillés dans la grange.
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Notre chef s’est réveillé en souffrant le martyre, piqué par les insectes et l’estomac à l’envers. Quand on a l’habitude de boire du champagne frappé, l’eau malpropre des lacs n’est ni saine, ni agréable au goût… Il faut être jeune pour courir un pays sans auberges! Dès qu’il a pu trouver une calèche, il est reparti pour Québec, accompagné par mon ami Ritchie.
J’ai donc complété seul mes observations, et c’est en marchant que j’ai rejoint le petit village de Saint-Thomas. Il faut vous dire qu’avec les routes de l’époque, un voyageur à pied, sans bagages, voyageait à peine moins vite qu’une calèche…
En 1821, j’ai remis le cap sur l’est. Le nouveau bateau à vapeur facilitait la vie du voyageur! Parmi les passagers, on trouvait des officiers, des familles de marchands, des Anglais de Montréal, des Français de Québec. Il y avait même des touristes américains. On en voyait de plus en plus visiter les deux Canadas.
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Après un arrêt à l’île d’Orléans, nous avons fait escale à Kamouraska. Dans la baie où nous avons jeté l’ancre, on pouvait voir une belle rangée d’une cinquantaine de maisons le long de la rive.
On offrait aux croisiéristes le choix de traverser sur la rive opposée ou de se balader dans le village, en attendant le retour du bateau. Moi, j’ai trouvé un gîte pour la nuit au village. Quelle agréable compagnie! Je me souviens d’une dame de Montréal, habile musicienne, qui conservait admirablement bien la manière et le costume traditionnels de la Vieille France. Kamouraska, place d’eau de la petite noblesse canadienne!
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Une fois le vapeur parti, débrouillez-vous! Pour traverser à La Malbaie, ou Murray Bay, j’ai trouvé une place dans un bateau de pêcheur. J’ai débarqué sur la rive boueuse avec mes petits bagages à trois heures du matin, affamé. Un paysan canadien m’a permis de me réchauffer dans sa maison. La Malbaie était alors une seigneurie retirée du reste du monde. Pour le touriste, aucun service ou véritable divertissement. Son attrait : la nature sauvage et ses paysages pittoresques!
J’aurais aimé poursuivre vers Tadoussac, mais sachant qu’un voyage difficile m’attendait, j’ai rebroussé chemin. Je suis donc revenu à pied vers Québec, dormant chez l’habitant aux Éboulements, à Baie-Saint-Paul et finalement, au Cap Tourmente.
J’ai rapporté de ce voyage de beaux souvenirs… et plusieurs ampoules aux pieds!