Aujourd'hui, on associe habituellement la famille Reford aux fameux Jardins de Métis, édifiés par Elsie Reford à partir de 1926 à Grand-Métis, sur un immense domaine à l’embouchure de la rivière Mitis. On sait moins que la famille Reford possédait une imposante villa à Petit-Métis (mieux connu sous le nom de Little Metis), quelques kilomètres à l’est de la rivière.
Cette villa a été dessinée par l'architecte écossais Andrew Thomas Taylor pour le compte de Robert Reford (père de Robert Wilson Reford, époux d’Elsie). Elle fut construite par un ouvrier local en 1888-1889. Ce personnage important de la communauté d’affaires montréalaise, né en Irlande, a surtout travaillé dans le transport maritime, mais il a aussi été membre de plusieurs conseils d’administration, dont ceux de la Banque de Toronto et de la minoterie Lake of the Woods Milling. Il déplorait de ne pas avoir l’occasion de séjourner régulièrement à Métis.
Cette villa, entièrement en bois, a été construite dans l’esprit du style Shingle, populaire aux États-Unis à cette époque. Le choix des matériaux (revêtement extérieur en bardeaux de cèdre finement découpés) et l’originalité de son architecture (toutes les façades sont différentes) témoignent de cette inspiration.
Les descendants de Robert Reford ont fréquenté cette villa jusqu’au moment de son incendie, en 1976.
© Musée McCord, Montréal, VIEW-8094.
En 1850, un jeune Écossais du nom de George Stephen immigre au Canada. C’est dans le commerce du textile qu’il démontre d’abord son sens aigu des affaires. Membre du conseil d’administration de la Banque de Montréal, il en deviendra le vice-président, puis le président. On se souvient aussi de cet homme comme l’un des pionniers du chemin de fer au Canada.
Comme de nombreux Écossais, il affectionne la pêche au saumon. Après avoir possédé un camp de pêche dans la vallée de la Matapédia, en Gaspésie, il acquiert l’ancienne seigneurie de Grand-Métis en 1886. L’année suivante, il fait construire la villa Estevan aux abords de la rivière Mitis. C’est là qu’il s’adonne à la pêche et qu’il accueille de prestigieux visiteurs.
Lorsque son épouse meurt, George Stephen – devenu lord Mount Stephen – se désintéresse de sa villa et la loue à sa famille et à ses amis, jusqu’à ce qu’il l’offre à sa nièce Elsie Reford, en 1918. Cette dernière fréquentait la villa depuis le début du siècle. De nombreuses photographies témoignent de la vie familiale des Reford à Grand-Métis, sur ce site retiré de la vie trépidante de Petit-Métis.
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 1997.10.1.23.
Mary Elsie Stephen Meighen (1872-1967) est née dans l’est de l’Ontario. Elle a toutefois vécu la majeure partie de sa vie à Montréal. Elle est la fille de Robert Meighen, homme d’affaires prospère né en Irlande, président de la Lake of the Woods Milling Company (la plus importante meunerie de l’Empire britannique) et homme de confiance de George Stephen.
En 1895, Mary Elsie Stephen Meighen prend le nom de Reford losrqu'elle épouse le fils de Robert Reford, qui possède une maison d’été à Petit-Métis. Ce dernier – qui porte le nom de son père – poursuit les affaires de la famille dans les rizeries et le transport maritime. Dans ses temps libres, il est photographe et peintre amateur.
Elsie et son époux, Robert Wilson Reford, perpétuent la tradition familiale en fréquentant Grand-Métis, plus particulièrement la villa Estevan. C’est le point de départ de nombreuses expéditions, que ce soit pour des balades à cheval, des excursions de chasse et de pêche ou de simples pique-niques, comme on peut le voir sur cette photographie.
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 1997.10.84.18.
Elsie Reford est une passionnée d’équitation. Son cheval la suit dans ses déplacements vers Métis. Elle a appris à monter son cheval « en amazone », les deux jambes du même côté, ce qui lui permet de porter la jupe longue… et de conserver sa dignité!
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 1997.10.2.16.
Lorsque la pluie s’annonce, ce n’est pas le temps de s’éloigner de la villa. Les enfants y traînent leurs poupées et leurs carrosses, les adultes observent le passage des bateaux grâce à une longue-vue. Cette fois, de jeunes adolescents jouent aux échecs. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de visite que l’on ne doit pas être élégant : la cravate est de mise!
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis [sans numéro d'accession].
La nounou prénommée Nelly prend soin des jeunes enfants de Bruce et Evelyn Reford, alors que les adultes ont leurs propres occupations. Comme elle est en service, elle garde ses bottillons à talons hauts, même à la plage!
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 1999.10.17.40.5.
Les enfants apprécient aussi les vacances à la villa Estevan. Ils apprennent tôt à boire du thé… avec un grand nuage de lait.
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 2003.10.1.115.
Ces enfants se recréent un monde en vacances, loin de la ville. Sont-ils conscients que leur terrain de jeu sera plus tard visité par des dizaines de milliers de personnes?
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 2003.10.1.8.
De 1926 jusqu’au début des années 1960, Elsie Reford a transformé le domaine de l’ancien camp de pêche en un jardin unique en Amérique du Nord. Tout semblait défavorable à cette entreprise : la pauvreté du sol, le climat rigoureux et l’exposition aux vents. Elle a su composer avec la topographie, se documentant sur les variétés adaptées à la région, la façon de les cultiver, de les multiplier. Tout ce travail a été mené avec l’aide de jardiniers qu’elle a formés. C’était aller à contre-courant puisqu’à cette époque, il était bien vu de donner ce travail à des architectes paysagistes de grande réputation.
Nous la voyons ici dans l’allée royale de son jardin, en compagnie de son époux et de leur chien. Le nom d’« allée royale » n’a rien d’anodin : Elsie est issue d’une longue tradition de conservateurs fidèles à la Couronne britannique, que ce soit chez les Meighen (famille de son père), les Stephen (famille de son oncle maternel) ou les Reford. D’ailleurs, de nombreux gouverneurs généraux – représentants de la Couronne britannique au Canada – ont fréquenté la villa Estevan.
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 1997.10.31.1.
Les enfants et les petits-enfants d’Elsie et Robert Wilson Reford grandissent! Ici, Eric Reford (fils) pose devant une belle prise. Comme son grand-oncle Stephen, ses grands-parents et ses parents, il s’adonne à la pêche au saumon. Comme eux, il pèse et mesure ses captures.
Ce n'est pas par désintérêt pour la pêche, pour les jardins ou pour Métis que le fils d'Elsie doit se départir du domaine de la villa Estevan en 1961: les coûts d'entretien sont trop élevés. Les jardins sont ouverts au public en 1962, suite à leur acquisition par le gouvernement du Québec. Trente ans plus tard, en 1995, ce sont les Amis des Jardins de Métis qui reprennent son avenir en main. L’historien Alexander Reford, arrière-petit-fils d’Elsie, est aujourd’hui directeur des Jardins de Métis, ce qui lui permet de veiller à la conservation, à la restauration et au développement des jardins, dont la réputation s’étend bien au-delà des frontières du Québec.
Nombreux sont les descendants de Robert Reford qui poursuivent la tradition de villégiature à Petit-Métis, particulièrement les familles MacDougall, Price et Pitfield, qui fréquentent le village depuis plus de 125 ans.
© Jardins de Métis, collection Les Amis des Jardins de Métis, NAC 1997.10.258.40.